Figure phare du collectif l’Entourage, Ken Samaras alias Nekfeu est un maître du freestyle, un pitbull de la punchline qui a séduit l’Hexagone avec sa prose aussi littéraire que tranchante. Quand il débute sa carrière en solo, avec l’album Feu en 2015, le rappeur né en 1990 près de Nice a déjà presque une décennie de bagou à son actif, au sein de $-Crew et 1995. Redouté par ses adversaires, il a fait ses preuves dans les Rap Contenders, une ligue de battles rap où sa vivacité et ses rimes fatales ont forgé sa réputation. Dès ses débuts, Nekfeu s’inscrit comme le gardien du trésor littéraire français. En référençant Maupassant, Zola ou encore Houellebecq dans ses titres, il prouve qu’à l’instar de la poésie, le rap est un art des lettres à part entière. Même s’il joue parfois le jeu des ego trips, il s’attaque aussi aux classes sociales, à la caste politique et pointe du doigt les problèmes de la société : des mots pour des maux. Cette approche consciente découle directement des rappeurs des années 90, comme Lunatic, IAM ou MC Solaar, qui l’ont grandement inspiré. Côté flow, il n’a rien à leur envier : peu de MC peuvent égaler ses rimes multisyllabiques, ses torrents de doubles-croches et ses figures de style acrobatiques. Bien au-delà des thèmes de la cité (après tout il ne vient pas spécialement d’un milieu défavorisé), il analyse des thèmes plus profonds, tels que la nature humaine dans Les Étoiles vagabondes (2019) ou son propre parcours dans Cyborg (2016), sur des beats allant de la trap à des sonorités old school plus chaleureuses et organiques. Et cette profondeur séduit autant le public que la critique. Feu décroche ainsi la Victoire du meilleur album de musiques urbaines en 2016 et, fait plus rare, Les étoiles vagabondes concourt dans la catégorie reine de l’Album de l’année quatre ans plus tard.