Amy Winehouse est l’une de ces artistes qui, une fois par génération, réorientent la musique pop et fédèrent une communauté internationale de fidèles, allant des écoliers fans de pop aux grands-mères nostalgiques de la musique de leur jeunesse. Née en 1983, la chanteuse londonienne fait ses armes en tant que chanteuse de studio avant de sortir son premier album, Frank, en 2003. Si la voix de Winehouse, à la fois rauque et gracieuse, en fait une sensation au Royaume-Uni (et lui vaut de figurer sur la liste des finalistes du Mercury Prize), les chansons d’amour déchirantes et l’atmosphère jazz-funk de Frank effleurent à peine le caractère fougueux qui se cache sous ces bandes-son de cocktails lounge (comme « F*ck Me Pumps »). Ce n’est qu’avec l’apport du producteur Mark Ronson et des cuivres fiévreux des Dap-Kings, le groupe de Sharon Jones, que la personnalité hors norme de Winehouse peut s’épanouir pleinement sur son deuxième album de 2006, Back to Black, qui remporte un Grammy. Adoptant le son soul et l’esprit insolent — sans parler de la coiffure en choucroute — des groupes féminins des années 60 (Supremes, Shangri-Las), Winehouse trouve une esthétique suffisamment rétro pour séduire les baby-boomers élevés au son de la Motown, tout en ayant l’attitude crue et provocante (et les tatouages qui vont avec) qui la font aimer des hip-hopeux et des jeunes fans de rock indé. Back to Black métamorphose Winehouse en une anti-diva consumée, dégageant une authenticité brute et sans filtre, aussi impertinente (comme son hymne anti-sobriété, « Rehab ») qu’émotionnellement bouleversante (l’éternelle et dévastatrice chanson-titre). Hélas, Back to Black est à la fois l’apogée de sa carrière et son chant du cygne — elle meurt empoisonnée à l’alcool en 2011. Mais si l’étoile Winehouse n’a brûlé que trop brièvement, elle a laissé une traînée de lumière immortelle dans le grand public, permettant à des artistes aussi variés qu’Adele, Janelle Monáe, Sam Smith et Lana Del Rey de poursuivre leurs propres visions singulières du rétromodernisme.